Le gardien de la Joconde by Jorge Fernandez Diaz

Le gardien de la Joconde by Jorge Fernandez Diaz

Auteur:Jorge Fernandez Diaz [Diaz, Jorge Fernandez]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782330114305
Google: 0st2DwAAQBAJ
Éditeur: Actes Sud
Publié: 2018-12-31T23:00:00+00:00


IX

Le cartel de Buenos Aires

Le service météorologique annonce que le soleil de ce vendredi ne va pas durer ; le climat redeviendra instable dès samedi, avec des averses isolées, et dimanche, il tombera des cordes sur la capitale et sa région. Colonia ne sera pas épargnée par les pluies, qui devraient probablement ne la toucher que dimanche en cours de nuit, quand le colonel mettra le cap vers le port d’Olivos. Par précaution, il appelle un camarade sur sa VHF pour faire le point. Après quoi, il s’affaire sur le pont de l’Aubrey, les derniers préparatifs avant de lever l’ancre. “Alors, vous en êtes où ?” il me demande quand je sors lui apporter une tasse de café. Je hausse les épaules, et je regarde tour à tour les reflets dans l’eau et les yachts autour de nous. “À l’origine et à la fin du circuit, il y a la même personne, je réponds. C’est le même bonhomme qui produit, qui transporte et qui distribue la came.” Cálgaris se brûle avec le café et souffle sur sa tasse. Il tient son mug entre les deux mains, lui non plus ne me regarde pas. “On dirait bien”, il dit seulement. Comme qui dirait “Quel dommage, le temps se gâte”. Moi, je préfère boire mon café brûlant.

— C’est pas une holding d’exportation – j’explique, alors que personne ne m’a demandé d’explication. C’est un cartel. Une bande de malfaiteurs. Elle nous a menti.

Cálgaris prend quelques gorgées de café et pose sa tasse sur le côté.

— Ça n’a strictement aucune importance – il dit et il se met à manipuler un cordage.

— Et pourquoi ça ? – je veux savoir.

— Ce qu’ils sont, eux, c’est une chose. Rien à voir avec nous, il dit et il avance sur tribord. En tant que prestataire de services, nous pouvions difficilement laisser passer une occasion pareille, je t’ai déjà expliqué pourquoi. Nous, on va faire notre boulot, c’est tout. Comme toujours.

J’allume une Parisienne dos au vent et je tire une bouffée.

— C’est pas qu’une question de scrupules – je lâche –, mais de confiance.

Cálgaris se retourne et m’inspecte pour savoir s’il a bien entendu. Il a l’air furax. Le soleil fait briller ses yeux larmoyants.

— Toi, parler de “scrupules”, c’est la meilleure ! J’ai su dès le début que Ruiz Moreno produisait la marchandise depuis l’étranger, et que Nuria travaillait pour lui. Peu importe ce qu’elle t’a raconté. Elle craignait que le héros récompensé par tant de médailles n’ait des éruptions d’éthique. Elle te connaissait pas.

— C’est pas le problème – je proteste.

— Et c’est quoi le problème, Rémil ? – il a glissé ses pouces dans sa ceinture, et se balance sur ses talons.

Je revois Nuria sur le pont de l’Aubrey ; ce week-end-là, la météo avait aussi annoncé de la pluie. “Je ne produis pas, je ne consomme pas, et je ne juge pas ceux qui le font. Moi, je transporte la matière première, petit soldat. Je suis une entreprise de transport sécurisé. Ça s’arrête là.



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